Vallée de la Mimente

Ce matin, nous sommes deux à partir et cela fait plaisir. Après avoir suivi le Tarnon sur un ou deux kilomètres à la sortie de Florac, nous nous échappons de la route départementale par un joli pont de pierre. Le soleil est à peine voilé et il fait bon, presque chaud… Le chemin suit, en sous-bois, la vallée de la Mimente, au-dessus et jamais très loin de la route nationale mais sans que cela parvienne à nous gêner.

Vallée de la Mimente : les ruines d’une bergerie.

Au sortir de la forêt, hélas, le soleil a disparu, et c’est sous un ciel plombé et quelques gouttes de pluie que nous entamons notre descente vers Saint-Julien d’Arpaon. La tendinite de Christine se réveille et lui impose une descente claudiquante et laborieuse. Son arrivée dans la vallée est pourtant saluée par une salve d’applaudissements : un groupe de randonneurs, au courant de ses mésaventures, lui témoignent ainsi de leur sympathie et de leurs encouragements…

Passage dans les genêts.

A partir de Saint Julien et jusqu’à la gare de Cassagnas, 7 kilomètres plus loin, le GR traverse les gorges de la Mimente en empruntant une ancienne voie ferrée, aujourd’hui reconvertie en chemin de randonnée. La succession de ponts, remblais et tunnels témoigne des efforts et de la qualité du travail qu’accomplirent, il y a plus de cent ans, les ouvriers du chemin de fer. Le chemin offre quelques beaux points de vues sur les gorges, mais finit par nous sembler un peu monotone.

Au-dessus des gorges de la Mimente

Une dernière pause avant d’arriver à la gare de Cassagnas

La gare de Cassagnas a été reconvertie en gîte et c’est donc là que nous ferons étape.

Extrait de « Voyages avec un âne dans les Cévennes »

Mardi 30 septembre 1878

…Ce jour-là, nous quittâmes Florac tout à fait à la fin de l’après-midi, l’âne et son maître aussi fatigués l’un que l’autre. Après avoir suivi le Tarnon quelque temps, nous franchîmes un pont de bois couvert pour entrer dans la forêt de la Mimente. Des roches pourpres à pic surplombaient le torrent ; de grands chênes, des châtaigniers se dressaient sur les pentes ou sur les terrasses pierreuses ; ça et là, on voyait un champ rouge de millet ou quelques pommiers tachetés de fruits écarlates.

(…) Ici encore, il était difficile de trouver un bon emplacement pour camper. (…) Enfin je découvris un coin de prairie, en dessous de la route, près d’un coude de la rivière. Après y être descendu, j’attachai provisoirement Modestine à un arbre et je me mis en devoir de reconnaître le voisinage. A une très petite distance, les formes se confondaient, devenaient indistinctes et méconnaissables ; l’obscurité montait sans arrêt comme si elle s’exhalait du sol. J’approchai d’un grand chêne qui se dressait dans la prairie, tout près du bord de la rivière.

(…) Je choisis un creux sous le chêne pour y faire mon lit. Lorsque j’eus donné sa pitance à Modestine et arrangé mon sac, trois étoiles brillaient déjà et les autres commençaient à poindre faiblement. (…) La lune, dont j’avais vu le croissant pâle toute l’après-midi, éclairait doucement le sommet des montagnes, mais aucun rayon ne parvenait au fond du vallon où j’étais étendu. Le chêne se dressait devant moi comme une colonne d’ombre au-dessus de ma tête, les étoiles rassérénantes étincelaient au front de la nuit. Il est impossible de connaître les étoiles sans avoir dormi, comme disent si bien les Français, à la belle étoile. On peut savoir leurs noms, les distances qui les séparent, et pourtant ignorer la seule chose qui intéresse l’humanité – leur influence sereine et joyeuse sur les âmes…